« 10%
pour la Fonction publique »
Depuis près d’un an, comme durant
chaque épisode de
crise, le rôle central de l’intervention publique est
remis en pleine lumière.
Du fait du risque épidémique pesant sur de nombreux agents dans le cadre de leurs missions, la
dimension sanitaire de la crise
concourt d’autant plus à placer l’action publique au cœur
des débats.
Dans ce contexte,
les louanges hypocrites adressées aux
personnels
par
Macron et son équipe ne masquent pas le fait qu’ils persistent sur leur
orientation fondamentalement hostile à la Fonction publique.
Les réformes régressives engagées sont
poursuivies. La
suppression des CHSCT en est un symbole
éloquent vu le contexte épidémique et
son
impact sur les
conditions de travail et la santé des personnels. Le gouvernement veut même accélérer avec le projet
de
loi 4D, dont l’objectif est de franchir un cap dans la
fragmentation de la République. Même si des incertitudes pèsent sur le devenir de ce projet de loi, ses
principes fondent différents textes et processus
en cours de mise en œuvre (dont le décret du 8 avril
2020 reconnaissant
un
droit de dérogation aux
préfets1).
Le gouvernement maintient par ailleurs le gel de la valeur du point d’indice. Les
primes circonstancielles et discriminatoires versées à partir du premier confinement concernent une minorité d’agents et ne changent rien
aux ravages de cette politique d’austérité salariale.
Enfin, y compris pour la santé, le gouvernement et sa majorité parlementaire
ne procèdent à aucune inflexion budgétaire significative quant au financement des missions
et
des emplois
publics.
Dans un contexte très dégradé, on demande donc aux agents d’exercer leurs missions sans les rémunérer de façon juste et sans leur donner les moyens de faire leur
travail dans de bonnes
conditions. C’est intolérable !
Alors que
les personnels
sont mis
à l’épreuve, les
organisations de la CGT Fonction publique ont estimé qu’il est de notre responsabilité de première organisation syndicale de la Fonction publique d’être à l’initiative pour porter
de
manière offensive
leurs légitimes
revendications, qui sont en pleine
harmonie avec les intérêts des usagers.
Cela doit conduire à poser en grand une question
: de quoi la Nation a-t-elle besoin ?
Une intervention publique en forme d’Etat gendarme centré sur la réponse aux
besoins du Capital,
qui maintient l’ordre
dominant et qui supplée sur le plan
social et sanitaire aux angles morts de l’action du marché parce qu’ils
correspondent à des
activités non rentabilisables ?
Ou une intervention publique fondée sur un Etat stratège, la complémentarité
entre les trois versants de la
Fonction publique et le développement de services
publics en réseau forts ; une puissance publique qui assume donc
un rôle
d’opérateur répondant directement aux besoins de service
public, en-dehors et
s’il le faut contre la logique du
marché ?
Evidemment le choix de la CGT se porte sur la deuxième conception et nous
pensons que la situation est propice à la faire
partager.
Outre la fonction de
slogan dans la bataille idéologique, il s’agit de partir des
besoins immédiats et d’assumer clairement
le fait que, dans
la période, la
bataille pour la Fonction publique se
place en particulier sur le terrain des moyens budgétaires nécessaires.
Ceux qui n’ont cessé
depuis des
décennies de décrier le niveau de la dépense
publique
pour justifier les coupes dans
les
services publics sont les mêmes
qui actuellement font tous les jours
des
chèques en blanc au patronat ! La
question des budgets se pose
donc
aujourd’hui de manière différente et les conditions
nous sont favorables pour porter le fer de manière offensive.
Concernant
le chiffrage
à 10%, il s’agit
de donner une
indication sur le niveau d’effort nécessaire
pour répondre à l’urgence tout en marquant
une
rupture avec les politiques d’austérité. Ce cap des 10% donne ainsi une perspective à la
fois ambitieuse et atteignable.
10% d’augmentation de la valeur du point
d
’indice , c’est la mesure nécessaire
pour rattraper les pertes accumulées sur la valeur du point depuis le début de
la politique de gel en juin 2010. Cette revendication n’a rien d’excessif à un
moment où le besoin de reconnaître le travail et
le sens du service public des
personnels est particulièrement criant, et où
par ailleurs un problème majeur
d’attractivité
de
la Fonction publique se confirme, comme l’illustre la chute du nombre de candidats aux
concours
de
la FPE.
Une augmentation de 10% ne serait certes pas suffisante mais une première étape d’un tel niveau serait
un
pas considérable compte tenu de la situation
actuelle et des
réalités des dernières décennies en matière salariale. Aggravant la situation antérieure, la décennie de gel quasi continu a accentué la smicardisation de la Fonction publique
: 1,2 million d’agents sont aujourd’hui payés à un
niveau situé entre le SMIC et 10% au-dessus du
SMIC.
10% d ’augmentation des pensions , c’est indispensable pour
permettre aux retraités
de la Fonction publique de vivre dans
de bonnes conditions. Comme le rappelle le livret de campagne CNRACL édité par les FD des Services publics et de la Santé/Action sociale, « le montant moyen des pensions mensuelles brutes de
droit direct au 31
décembre 2018 était :
-dans la FPT : 1 187
€ pour les femmes et 1 376 € pour les
hommes
-dans la FPH : 1 525
€ pour les femmes
et 1 633 € pour les
hommes ».
10% d’efforts
budgétaires
pour revaloriser les carrières
des filières à prédominance féminine, ce serait une première étape significative pour commencer réellement à réduire
l’intolérable inégalité
salariale entre les femmes et les hommes (rappelons que l’écart de rémunération est de l’ordre
de
25%).
10% de temps de
travail en moins rapporté à la durée légale, cela correspond à
la revendication CGT du passage aux 32h, pour travailler moins, mieux, toutes
et tous. La Confédération va prochainement publier un matériel de campagne réactualisé. Un argument mérite d’être popularisé
: le
coût du passage aux 35h
est évalué à 12,5 milliards d’€, pour environ 350 000 emplois directs créés. Pour un coût brut beaucoup plus élevé (20 milliards
par
an), le CICE, dispositif
n’imposant aucune contrainte aux employeurs, aurait au maximum
permis de
créer ou préserver 100 000 emplois. Baisser le temps de travail par la loi plutôt
que de
faire des cadeaux au patronat
a donc permis de créer 3,5
fois
plus d’emplois pour
un coût près de 2 fois moins important
10% d’effectifs en plus, cela
représenterait environ 500 000
créations de postes pour commencer de répondre aux besoins criants d’effectifs, en premier lieu à l’hôpital public. Nos camarades de la FSAS ont lancé en 2020 un recensement
des besoins en recrutement (sous l’intitulé
«
Formez,
embauchez, nous
sommes épuisé.e.s »)
: à
partir des
remontées de
191 établissements,
nos
camarades sont arrivés à une estimation de 11,5% d’embauches nécessaires. Ce serait aussi ouvrir des possibilités d’emploi
pour les
chômeurs et les jeunes
entrant dans la vie active, et de
créations de postes statutaires pour les non-
titulaires.
Autres
déclinaisons
possibles
: 10% du
temps
de travail consacrés à la
formation professionnelle
; 10% du temps de travail consacré à la démocratie sur le lieu de travail (droit syndical, droit de réunion, etc…)
; 10% de forces
supplémentaires par
la syndicalisation.
Une dimension est à souligner : il s’agit bien d’une campagne fondée sur l’exigence de mesures d’urgence, appelant ensuite d’autres évolutions fortes. Ainsi, si nous arrivons par la lutte à nous trouver en situation d’ouvrir simultanément les trois chantiers salaires/temps de travail/effectifs, il est bien entendu que les revendications et les mesures à gagner devront être ajustées. Sur la question des effectifs notamment il faudra aller au-delà des 10% de postes supplémentaires pour compenser l’effet des 10% de temps de travail en moins et de créations d’emploi à temps complet à 32h.
Avec quel
financement ?
Le financement de
nos
revendications fait l’objet
d’un chiffrage
le plus précis
possible dans l’argumentaire
que nous avons publié fin janvier. Sa mise en œuvre nécessite une volonté politique forte de mise à contribution du capital
et un
niveau de
rapport de force tout aussi conséquent sur le terrain
des
luttes.
Nous estimons le
coût de nos
revendications
à 21
à 23 milliards.
Nous
estimons que cette somme peut être dégagée en baissant de 15% les aides aux entreprises, en rétablissant l’ISF
et en améliorant son rendement, en
taxant les profit des multinationales échappant à l’impôt, en luttant
véritablement contre la fraude fiscale,
en réduisant les niches
fiscales,
en taxant mieux les dividendes, et
en consacrant au final environ 20% des moyens budgétaires dégagés
à l’augmentation de 10% de la valeur du point et à la création de 500 000 emplois.
Une précision mérite d’être apportée : ce chiffrage ne prend qu’en partie en compte l’effet dynamique de ces mesures pour l’économie (moindres coûts d’indemnisation des chômeurs et augmentations des cotisations sociales et impôts).
Sous quelles formes et
avec quels prolongements ?
Nous avons lancé la campagne en décembre par une
conférence de presse et
la présentation de deux premiers supports
de
campagne, à savoir des tracts
consacrés aux emplois, aux salaires et au temps de travail. Une vidéo a été publiée mi-janvier et un argumentaire chiffré mis
à disposition à la
fin du
mois.
D’autres éléments
de
campagne seront publiés, notamment sur l’égalité
salariale femmes hommes (pour
mobiliser le 8 mars), les pensions
de retraite et le financement. Cela doit
permettre
de nourrir le travail de terrain auprès des collègues.
Des initiatives seront organisées en
territoire ces prochains mois.
Cette campagne des
organisations CGT de la Fonction publique s’inscrit dans celles
menées
par la Confédération sur les services publics, les salaires, les 32h, les
bureaux d’embauche.
La Confédération relaie d’ailleurs largement la
campagne des 10%.
Il s’agit bien
d’une campagne
revendicative
inscrite dans un cadre large,
parce
que
les revendications des personnels concourent à l’intérêt général, parce que pour avoir un service public de qualité, les usagers ont
besoin d’agents publics en
nombre, bien payés,
bien
formés et ayant de bonnes conditions de travail. La
campagne entend donc bien porter de manière complémentaire et offensive
les intérêts des personnels et des usagers.
En dépit du contexte
sanitaire et de la chape de plomb que le gouvernement s’efforce d’imposer dans les faits et
dans les esprits, la période est
marquée
par le développement
des luttes.
On le voit par exemple dans les collectivités territoriales avec les grèves contre la remise en cause des régimes de temps de travail
inférieurs à 1607 heures.
Nous ne nous interdisons rien, bien au contraire. Cette campagne doit être utile aux personnels pour développer leurs luttes et les inscrire dans une perspective plus large.
La CGT demeure
par
ailleurs disponible sur la base
de contenus revendicatifs ambitieux pour
apporter sa contribution aux
nécessaires
processus unitaires
d’intervention,
comme
nous l’avons fait récemment
sur
plusieurs thèmes
(salaires, jour de carence,
protection sociale complémentaire, entre autres). C’est en ce sens qu’a été travaillé
un appel unitaire CGT FSU Solidaires FA pour
le 4
février. Parce que nous sommes convaincus que l’élévation du niveau du
rapport de force passe par l’unité, la CGT entend continuer de développer la démarche intersyndicale la plus
offensive et large possible.
La campagne des
10% doit aussi permettre de
nourrir
celle
des élections
CNRACL qui aura lieu du 1er au 15 mars 2021 pour les versants hospitaliers et territoriaux, et à plus long terme celle des élections professionnelles dans la
Fonction publique fin 2022.
Nous avons enfin la volonté de nourrir le débat citoyen à venir en prévision des prochaines échéances électorales, car nous pensons que les services publics et la Fonction publique,
qui ont une fois de plus démontré leur efficacité au service de la Nation, méritent un grand débat citoyen. Le
temps des crises est
aussi
celui des choix
politiques, nous
sommes convaincus
que le choix
du service public
demeure aussi pertinent que porteur d’avenir.
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